Dans une nation en proie à une adversité multiforme, où chaque citoyen est appelé à se tenir debout, les artistes burkinabè, eux, ont choisi le confort du silence. En tout cas il n’y a que quelques uns qui se manifestent en vrais soutiens. Le reste, la grande majorité murmure des refrains consensuels, évitent les mots qui dérangent, esquivent les engagements clairs, tout en espérant bénéficier des faveurs d’un État qu’ils refusent pourtant de défendre.
L’histoire de tous les peuples en lutte a montré que les artistes ont toujours été les premiers à faire vibrer les cœurs, à éveiller les consciences, à galvaniser les masses. De la négritude aux révolutions anticoloniales, en passant par les luttes pour les droits civiques, les poètes, les musiciens, les comédiens ont été les tambours battants du changement. Mais au Burkina Faso d’aujourd’hui, au cœur d’une révolution progressiste où chaque mot peut être un acte de résistance, nos artistes préfèrent les platitudes aux paroles de feu. Même leurs managers, régisseurs, entrepreneurs culturels, que dire, les acteurs culturels préfèrent s’emmurer dans un silence de cimetière.
Alors que des puissances hostiles manipulent des artistes étrangers pour torpiller notre processus de reconquête souveraine, les nôtres – bien nourris par les subventions de l’État, les appuis institutionnels et les distinctions officielles s’enferment dans une neutralité opportuniste. Ils brandissent l’excuse de la prudence artistique quand il s’agit de prendre parti, mais se montrent prompts à réclamer soutien et visibilité. Peut-on vouloir les honneurs d’une nation sans en épouser les douleurs ? Peut-on demander reconnaissance sans jamais se risquer pour la cause commune ?




Ils chantent l’amour, la paix, la cohésion, mais se taisent quand la dignité nationale est foulée au pied. Ils clament leur fierté burkinabè sur les plateaux, mais jamais dans les rues, jamais dans les actes. Où sont les grandes œuvres patriotiques de cette époque cruciale ? Où sont les hymnes pour nos FDS, les pièces de théâtre dénonçant le néocolonialisme rampant, les fresques urbaines appelant à l’unité nationale ? Rien. Le vide. Le néant.
Il est temps que le ministère de la Culture cesse d’être le guichet automatique d’une corporation désengagée. La révolution a besoin de repères, de visages, de voix. Il faut instaurer des brevets d’engagement patriotique : que chaque artiste qui sollicite le soutien public s’identifie clairement à la lutte du peuple burkinabè. L’heure n’est plus aux demi-mesures. L’artiste doit être un éclaireur, ou il n’est rien.
L’opinion publique doit exiger des comptes à ces artistes qui se complaisent dans l’ambiguïté. Ils ne peuvent pas avoir le beurre de la gloire nationale et l’argent de la soumission silencieuse. À ceux qui choisissent le camp du peuple, les portes doivent s’ouvrir en grand. Aux autres, qu’ils assument leur position, loin du cœur de la nation en marche.
Le Burkina Faso a besoin de courage, pas de carriérisme déguisé en neutralité. La révolution a ses couleurs, ses chants, ses mots. Et si les artistes ne veulent pas les porter, alors qu’ils libèrent la scène pour ceux qui en ont le cran.